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« Mon parfait inconnu » : avec un prince charmant tombé du ciel, la vie rêvée d’Elba dans un quartier huppé d’Oslo

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Elle a 18 ans et passe inaperçue. Son visage aux rondeurs enfantines, ses cheveux d’un blond pâle, sa silhouette dissimulée sous d’informes vêtements participent à cet effacement. Les premières images n’aident pas, qui semblent la dissoudre dans le décor. Celui d’une entreprise standard et sans âme où elle fait le ménage. Dans la pièce d’à côté, une équipe boit du champagne. Malgré la cloison vitrée, personne ne prête attention à Elba (Camilla Godo Krohn), décidément transparente. Et bientôt terrée.
Quelques minutes plus tard, on la découvre en effet dans son petit logement situé au sous-sol d’une maison dans un quartier huppé d’Oslo. Le couple qui l’habite s’apprête à partir en vacances et demande à leur jeune locataire de veiller sur la propriété le temps de leur absence. Ils ont à peine franchi le portique qu’Elba investit les lieux. De la terrasse qui domine les jardins des autres villas, elle observe un groupe de jeunes gens en train de faire la fête autour d’une piscine. Elle s’imagine parmi eux et leur parle, comme une petite fille le ferait avec ses poupées. Désormais, Elba s’invente une vie.
De cette matière qui brasse réalité et mensonges, la réalisatrice finno-suédoise Johanna Pyykkö va faire un parfait et troublant usage, édifiant progressivement autour de son héroïne une sorte de théâtre d’ombres et de chimères – reflet d’un miroir aux alouettes où chacun s’interroge et se perd. Les personnages et les spectateurs. Mon parfait inconnu est un film de manipulation qui prend plaisir à transformer, l’air de rien, ce qui nous apparaît d’abord comme une fantaisie en une pathologie inquiétante.
Celle-ci s’installe à l’arrivée d’un autre personnage, un jeune Bulgare séduisant (Radoslav Vladimirov) auquel Elba vient en aide, après l’avoir trouvé sur un parking, une plaie à la tête et amnésique. Une aubaine pour la jeune femme qui, après l’avoir ramené dans sa riche demeure, fait croire à l’inconnu qu’elle est sa petite amie depuis plusieurs mois. Avec ce prince charmant tombé du ciel, la vie rêvée d’Elba atteint son idéal.
Ce qui suit met en scène une rencontre sans cesse prolongée, de plus en plus aléatoire et menacée à mesure qu’elle avance. Une rencontre qui, adossée à un jeu de dupes, loin d’aider à la compréhension des personnages, les fait se dérober. De la même manière, la réalité, au contact du fantasme, finit par s’y confondre. C’est alors un espace mental qui s’illustre dans ce huis clos dont les fondations s’effritent et tremblent à la moindre intervention du hors-champ. Johanna Pyykkö maîtrise l’exercice, mêlant avec agilité réalisme et onirisme, ouvrant à l’envi plusieurs tiroirs, pour mieux brouiller les pistes. Et ce, jusqu’au dénouement.
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